REVIEWS | Résonances Lyriques

OPÉRA de LYON… À L’AUDITORIUM – ADRIANA LECOUVREUR de Francesco CILÈA

“…Avec l’arrivée de Daniele Rustioni au poste de Directeur musical dès 2017, le choix de coréaliser cet évènement avec l’Auditorium Maurice Ravel a entraîné son déplacement dans une salle plus adaptée à ce type de prestation. Cela permet aussi aux forces vives de la Place de la Comédie de se produire dans un cadre lumineux, moins dépressogène que l’inénarrable et titanesque gag funeste constitué par la sinistre salle du sieur Nouvel.

Une création locale excessivement tardive

Invariablement cet opéra donné en concert constitue un sommet des saisons artistiques. Tout particulièrement, la remarque vaut sur le plan émotionnel, dans la mesure où les chanteurs (solistes comme chœurs) ne se trouvent plus empêtrés dans les délires psychanalytiques de scénographes névrosés autant qu’incultes. Ainsi, les interprètes peuvent enfin vraiment “jouer” leurs rôles, dans la spontanéité de tous les sentiments à exprimer.

Après le retour distingué d’Hérodiade de Massenet l’an passé1, la création lyonnaise (sic !) d’Adriana Lecouvreur de Cilèa est à marquer d’une pierre blanche, voire d’un diamant.

Vous avez bien lu : il aura donc fallu attendre 121 ans pour que le chef-d’œuvre du compositeur calabrais soit enfin entendu intégralement dans la Capitale des Gaules…

…Mieux vaut tard que jamais, dit l’adage, et grâces soient rendues : d’abord à Daniele Rustioni pour ce choix précis qu’il a souhaité défendre ; ensuite à Richard Brunel, qui a comme mérite princeps d’afficher – depuis le début de sa direction générale – des œuvres jamais données céans. Et croyez-moi, la liste est encore longue (je suis d’ailleurs à sa disposition sur le sujet).

…Jusqu’à quel Parnasse Daniele Rustioni mènera-t-il les mélomanes ravis ?

Précisément, commençons par notre Directeur musical – avec le concours notable d’Hugo Peraldo comme chef assistant pour la préparation soignée de cette production – qui se surpasse une fois encore, au point que l’on peut légitimement s’interroger : jusqu’à quel Parnasse Rustioni mènera-t-il les mélomanes ravis ? Direction nerveuse, dynamique en diable, concernée, impliquée, traduisant une véritable affection pour cette partition relevant du vérisme réformé, courant initié par le Baron Alberto Franchetti, inquiet de la dérive du Vérisme musical pur et dur dont Mascagni fut, dans un premier temps, le fer de lance.

…Dans les airs et ensembles, l’orchestre sertit les voix comme une pièce d’orfèvrerie. Il atteint des cimes au cœur des passages à découvert, comme l’interlude précédant le finale du II, le ballet du III ou le prélude wagnérien du IV (avec ses pénétrantes réminiscences de Tristan ou Rheingold). Maints pupitres solistes méritent une mention : le 1er violon solo envoûtant de Kazimierz Ołechowski, les 1ers hautbois et clarinette veloutés de Matteo Trentin et Ángel Martín-Mora, la harpe de Sophie Bellanger et l’ensemble des capiteux violoncelles, magistralement menés par Ewa Miecznikowska.

…Au bilan : une décharge émotionnelle telle qu’elle devient dangereuse pour un vieux critique – même éprouvé –, consacrée par une glorieuse standing ovation, ayant valeur de signe chez un public habituellement plus réservé.

Espérons maintenant Andrea Chénier de Giordano et Cristoforo Colombo de Franchetti !

Résonances Lyriques, Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin

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